🏰 Le Château aux Portes Blanches
Chapitre 1 : Le mystère du sac à dos
C’était un matin d’automne comme on les aime : le ciel était pâle, les nuages flottaient doucement comme de la crème dans un bol de lait, et le jardin sentait la mousse, la terre humide et les feuilles tombées. Le vent jouait dans les branches du vieux cerisier, faisant danser les dernières feuilles rouges comme des papillons fatigués.
Dans ce décor tranquille, Nougat, un jeune chat roux au pelage flamboyant, bondissait d’un buisson à l’autre, les moustaches frémissantes et les yeux brillants d’excitation. Il adorait explorer, grimper, fouiller, flairer. Chaque matin était une chasse au trésor.
— Opaline ! Viens voir ! miaula-t-il en s’arrêtant net près du rosier.
Opaline, une élégante chatte crème aux yeux bleus, descendit du muret où elle s’était installée pour observer les oiseaux. Elle trottina jusqu’à Nougat, d’un pas souple et silencieux.
— Qu’as-tu encore trouvé ? Un mulot ? Une plume ? Un vieux gant ?
— Mieux que ça, répondit Nougat en grattant la terre avec sa patte. Regarde !
Sous les branches du rosier, à moitié caché par les feuilles mortes, se trouvait un petit sac à dos. Il était décoré de lapins, de nuages et de soleils souriants. Une des bretelles était tordue, et une tache de chocolat ornait la fermeture. Il semblait avoir été oublié là depuis peu.
— C’est un sac d’enfant, murmura Opaline. Que fait-il ici ?
— On va le découvrir, dit Nougat, déjà en train d’ouvrir la fermeture éclair avec son museau.
À l’intérieur, ils trouvèrent une peluche de lapin aux oreilles un peu mâchouillées, un carnet de dessins aux pages cornées, et… une carte. Une carte étrange, dessinée à la main, avec des couleurs vives et des flèches dorées.
— Regarde, dit Opaline en dépliant la carte. C’est un plan. Il mène à un grand bâtiment blanc, avec un cœur rouge sur le toit.
— Il y a même un nom, lut Nougat à voix haute. “Le Château aux Portes Blanches”.
Ils se regardèrent. Le vent souffla plus fort, comme pour les pousser en avant.
— Tu crois que c’est un vrai château ? demanda Nougat.
— Peut-être… ou peut-être que c’est un hôpital, répondit Opaline. Mais un hôpital magique.
— Un hôpital magique ? répéta Nougat, les yeux écarquillés.
— Oui. Regarde les détails : des tours, des jardins, des couloirs colorés… Ce n’est pas un endroit ordinaire.
Ils examinèrent le carnet de dessins. Sur la première page, un enfant avait dessiné un grand bâtiment blanc avec des fenêtres en forme de cœurs. Devant, un petit personnage tenait la main d’un chat roux et d’une chatte crème.
— C’est nous ! s’exclama Nougat.
— Et ce carnet appartient sûrement à l’enfant qui a perdu le sac, dit Opaline. Il faut le lui rendre.
— Et découvrir ce château, ajouta Nougat. Peut-être qu’il a besoin de nous.
Ils glissèrent la carte dans le sac, attrapèrent la peluche entre leurs dents, et quittèrent le jardin, le cœur battant. Ils traversèrent les ruelles, les trottoirs, les passages piétons, en suivant les flèches dorées dessinées sur la carte.
Le monde autour d’eux semblait différent. Les voitures ronronnaient comme des bêtes endormies. Les passants semblaient pressés, mais les chats, eux, prenaient leur temps. Ils suivaient un chemin invisible, guidés par l’intuition et la curiosité.
Après une longue marche, ils s’arrêtèrent au sommet d’une colline. En contrebas, baigné de lumière, se dressait un immense bâtiment blanc. Il avait des fenêtres brillantes, des portes automatiques, et un grand cœur rouge peint au-dessus de l’entrée.
— C’est lui, murmura Opaline. Le Château aux Portes Blanches.
— On y va ? demanda Nougat.
— On y va, répondit-elle.
Et les deux chats descendirent la colline, sans savoir que ce qu’ils allaient découvrir allait changer leur regard sur le monde.
Chapitre 2 : Le portail aux roues
Le bâtiment se dressait devant eux, immense et lumineux, comme un palais de verre et de silence. Ses murs blancs brillaient sous le soleil d’automne, et ses fenêtres reflétaient les nuages comme des miroirs enchantés. Nougat et Opaline s’arrêtèrent au pied de l’allée, les yeux écarquillés.
— C’est encore plus grand que je l’imaginais, murmura Nougat.
— Et pourtant, il n’a pas l’air froid, répondit Opaline. Il a l’air… vivant.
Le portail n’était pas un pont-levis, comme dans les contes de chevaliers, mais une grande porte automatique qui s’ouvrait en glissant doucement, comme si elle les invitait à entrer. Des gens passaient, certains en blouse blanche, d’autres en tenue de ville. Des enfants étaient poussés dans des fauteuils roulants, enveloppés dans des couvertures colorées. Des ambulances arrivaient sans bruit, comme des carrosses pressés.
— Regarde ces roues, dit Nougat. Des petites, des grandes, des rapides, des lentes… C’est comme une danse.
— Une danse de soins, répondit Opaline. Chacun avance à son rythme, mais tous vont dans la même direction.
Ils s’approchèrent du portail. Un vieux chat gris, au pelage rayé et aux yeux sages, était assis sur une borne en pierre, comme un gardien silencieux.
— Vous êtes nouveaux ? demanda-t-il d’une voix douce.
— Oui, répondit Nougat. Nous avons trouvé une carte. Elle parle d’un Château aux Portes Blanches.
Le vieux chat sourit.
— Alors vous êtes au bon endroit. Ce château, c’est un hôpital. Mais pas n’importe lequel. Ici, on soigne les bobos, les gros et les petits. Les enfants viennent ici pour guérir, pour se reposer, pour être entourés.
— Et les chats ? demanda Opaline.
— Les chats aussi, parfois. Mais vous, vous êtes là pour apprendre. Pour découvrir ce que cache chaque porte blanche.
Il se leva lentement, ses pattes tremblantes mais dignes.
— Suivez-moi. Je vais vous montrer le chemin.
Ils traversèrent l’allée. Le sol était lisse, propre, presque brillant. Des panneaux indiquaient les directions : “Accueil”, “Urgences”, “Pédiatrie”, “Radiologie”. Chaque mot semblait mystérieux, comme une énigme à résoudre.
— Pourquoi tout est si blanc ? demanda Nougat.
— Le blanc, c’est la lumière, répondit le vieux chat. C’est la propreté, la clarté. Ici, on veut que les enfants se sentent en sécurité, comme dans un cocon.
Ils passèrent devant une grande baie vitrée. À l’intérieur, une salle d’attente. Des enfants lisaient, dessinaient, jouaient avec des peluches. Certains avaient des pansements, d’autres des perfusions. Mais tous semblaient calmes, entourés.
— Ce n’est pas triste, dit Opaline, surprise.
— Non, confirma le vieux chat. Ce château est rempli de courage. Et le courage, ça fait briller les murs.
Ils arrivèrent devant une porte blanche. Elle s’ouvrit doucement, sans bruit. Derrière, un couloir coloré, décoré de dessins d’enfants, de guirlandes en papier, de mobiles suspendus.
— Voici le premier couloir, dit le vieux chat. Chaque porte mène à une aventure. À vous de les découvrir.
Il s’inclina, puis disparut dans un recoin, comme s’il s’était fondu dans les murs.
Nougat et Opaline se regardèrent. Leurs cœurs battaient fort. Ils venaient de franchir le portail. Le Château aux Portes Blanches les attendait.
Et ils étaient prêts.
Chapitre 3 : Le hall aux murmures
Dès qu’ils franchirent le seuil du Château aux Portes Blanches, Nougat et Opaline furent enveloppés par une atmosphère étrange, douce et vibrante. Ce n’était pas le silence d’une bibliothèque, ni le tumulte d’un marché. C’était un murmure continu, comme une rivière de voix, de pas, de respirations, de claviers qui cliquetaient et de portes qui s’ouvraient doucement.
Le hall était vaste, lumineux, presque infini. Le sol brillait comme du marbre poli, et les murs étaient décorés de fresques colorées, peintes par des enfants. Il y avait des arcs-en-ciel, des animaux fantastiques, des planètes souriantes et des phrases écrites en lettres dansantes : “Bienvenue au Château des Soins”, “Un sourire soigne plus qu’un pansement”, “Ici, chaque enfant est un héros”.
— C’est magnifique, souffla Opaline. On dirait un musée enchanté.
— Ou une gare magique, ajouta Nougat. Tout le monde semble aller quelque part.
Ils s’avancèrent prudemment, leurs coussinets ne faisant aucun bruit sur le sol lisse. À droite, un grand comptoir d’accueil. Derrière, une dame en blouse rose, les cheveux relevés en chignon, tapait sur un clavier tout en souriant à une famille.
— Bonjour ! Vous venez pour une consultation ? Le petit Lucas est attendu en pédiatrie.
La maman hocha la tête, et le petit garçon, tenant son doudou contre lui, regarda autour de lui avec de grands yeux.
— Tu as vu ? murmura Nougat. Elle connaît le prénom de l’enfant.
— C’est parce qu’ici, on ne soigne pas des numéros, répondit Opaline. On soigne des histoires.
Ils se faufilèrent derrière une plante verte géante, dont les feuilles formaient un abri parfait pour deux chats curieux. De là, ils observèrent le ballet du hall.
Un homme en blouse blanche passait avec un chariot rempli de dossiers. Une bénévole distribuait des livres aux enfants assis sur des fauteuils colorés. Un clown en blouse multicolore faisait des bulles de savon devant une petite fille qui riait aux éclats.
— Ce n’est pas triste, dit Nougat, surpris. Je croyais que les hôpitaux étaient gris et silencieux.
— Ce château est différent, répondit Opaline. Il est construit avec des sourires.
Ils virent un garçon en fauteuil roulant avancer lentement, guidé par une infirmière. Il tenait un dessin dans ses mains : un dragon qui crachait des étoiles.
— Tu crois qu’il est malade ? demanda Nougat.
— Peut-être. Mais regarde comme il est fier de son dessin. Ici, on soigne le corps… et l’imaginaire.
Un panneau lumineux clignota doucement : “Service pédiatrique – étage 1” “Radiologie – sous-sol” “Salle des jeux – rez-de-chaussée”
— Il y a des jeux ? s’étonna Nougat.
— Bien sûr. Les enfants ont besoin de jouer pour guérir. Le jeu, c’est une médecine invisible.
Ils s’approchèrent d’un petit espace aménagé près de l’accueil. Des coussins, des livres, des peluches. Une animatrice lisait une histoire à deux enfants assis en tailleur.
— Et le dragon dit : “Je ne veux pas être méchant. Je veux juste qu’on m’écoute.”
Les enfants écoutaient, les yeux grands ouverts. L’un d’eux tenait une perfusion, l’autre avait un pansement sur la joue. Mais dans leurs regards, il n’y avait ni peur ni douleur. Il y avait de la magie.
— Ce hall est comme un cœur, murmura Opaline. Tout part d’ici. Tout revient ici.
— Et chaque battement est une histoire, ajouta Nougat.
Ils s’assirent un moment près d’une fontaine murale. L’eau coulait doucement, apaisante. Un panneau disait : “Prenez le temps de respirer.”
— Tu crois qu’on peut rester ici longtemps ? demanda Nougat.
— Non, répondit Opaline. Le Château a encore beaucoup de portes à nous faire découvrir.
Ils se levèrent, leurs queues frémissantes. Devant eux, un couloir s’ouvrait, décoré de guirlandes en papier et de dessins accrochés aux murs. Chaque porte était blanche, mais portait un nom coloré : “Salle des soins”, “Chambre des étoiles”, “Laboratoire des potions”.
— Prêt pour la suite ? demanda Opaline.
— Toujours, répondit Nougat.
Et ils s’engagèrent dans le couloir, laissant derrière eux le hall aux murmures, ce cœur battant du Château aux Portes Blanches.
Chapitre 4 : Le couloir des couleurs
Le couloir s’ouvrait devant eux comme un tunnel enchanté. Les murs, loin d’être blancs et froids comme Nougat l’avait imaginé, étaient couverts de fresques, de dessins, de guirlandes en papier et de mobiles suspendus au plafond. Chaque pas les faisait entrer un peu plus dans un monde à part, un monde où la couleur et la tendresse régnaient.
— On dirait un arc-en-ciel, souffla Nougat.
— C’est un couloir magique, répondit Opaline. Chaque porte blanche cache une histoire.
Les portes étaient toutes semblables : blanches, lisses, avec une petite plaque colorée. Mais chacune avait une odeur, une ambiance, un murmure différent. Sur les murs, des panneaux indiquaient les directions : → Salle des soins → Radiologie → Pédiatrie → Salle des jeux → Laboratoire
— C’est comme une carte au trésor, dit Nougat. Sauf que les trésors ici, ce sont les sourires.
Ils s’arrêtèrent devant une porte bleue ciel. Une affiche dessinée à la main disait : “Bienvenue en pédiatrie ! Ici, les enfants sont les rois et les reines.” En dessous, des photos d’enfants souriants, des dessins de licornes, de fusées, de dragons.
La porte s’ouvrit doucement. Une infirmière en blouse rose bonbon sortit, tenant un petit garçon par la main. Il portait un pyjama à étoiles et tenait une peluche contre lui.
— Tu as été très courageux, Léo, dit-elle. Tu peux choisir un autocollant.
Le garçon choisit un tigre rugissant et le colla fièrement sur son pyjama.
— Bonjour, dit l’infirmière en apercevant les deux chats. Vous êtes perdus ?
— Non, répondit Opaline. On explore.
— Alors bienvenue, explorateurs. Je m’appelle Zoé. Je suis infirmière ici. Vous voulez que je vous montre ?
Les chats hochèrent la tête. Zoé les guida dans le couloir.
— Ici, c’est la salle des soins. On y fait les pansements, les prises de sang, les petits examens. On essaie toujours de rassurer les enfants. On leur explique tout, on leur parle doucement, on leur donne des doudous.
Elle ouvrit une porte. À l’intérieur, une pièce claire, avec des posters d’animaux, des boîtes de pansements colorés, des fauteuils moelleux. Une petite fille était assise, un clown à ses côtés lui faisait des grimaces pendant qu’une autre infirmière lui posait un pansement.
— Le rire, c’est notre meilleur allié, dit Zoé. Il fait oublier la piqûre.
— Et les pansements sont jolis, dit Nougat. Il y en a avec des licornes !
— On soigne mieux quand on soigne avec le cœur, répondit Zoé.
Ils continuèrent leur visite. Une porte verte portait l’inscription “Radiologie – Attention aux rayons magiques !”. Une autre, jaune soleil, menait à la salle des jeux. Une troisième, violette, indiquait “Laboratoire des potions”.
— Chaque service a sa couleur, expliqua Zoé. Pour que les enfants s’y retrouvent. Et pour que ce château soit un peu plus joyeux.
— C’est comme un livre d’images, murmura Opaline. On tourne les pages, et chaque page est une aventure.
Ils croisèrent un brancard, poussé par un aide-soignant. Un garçon y était allongé, les yeux ouverts, un casque sur les oreilles. Il écoutait de la musique.
— Il va passer un examen, dit Zoé. Mais il est détendu. On fait tout pour que les enfants aient moins peur.
— Et s’ils ont peur quand même ? demanda Nougat.
— Alors on les écoute. On leur tient la main. On leur dit que c’est normal. Et on reste avec eux.
Ils arrivèrent devant une grande fresque murale. Elle représentait un château blanc, entouré de nuages, avec des enfants qui volaient autour, portés par des ballons.
— C’est le Château vu par les enfants, dit Zoé. Ils l’ont peint eux-mêmes.
— Il est encore plus beau que dans la réalité, murmura Opaline.
— Parce qu’ils y ont mis leur courage, leur imagination, et leur espoir.
Zoé s’agenouilla pour être à leur hauteur.
— Merci d’être venus. Les enfants ont besoin de visiteurs comme vous. Des visiteurs qui regardent avec le cœur.
Elle leur caressa doucement la tête, puis repartit vers la salle des soins.
Nougat et Opaline restèrent un moment devant la fresque. Le couloir semblait respirer autour d’eux, vivant, vibrant, rempli de voix, de rires, de pas légers.
— Ce château est un monde, dit Nougat.
— Et chaque porte blanche est une promesse, répondit Opaline.
Ils reprirent leur marche, prêts à découvrir la prochaine pièce de ce puzzle merveilleux.
Chapitre 5 : La chambre aux étoiles
Le couloir des couleurs s’ouvrait sur une série de portes blanches, toutes semblables en apparence, mais chacune vibrante d’une énergie différente. Nougat et Opaline s’arrêtèrent devant l’une d’elles, plus silencieuse que les autres. Sur la plaque, un prénom était inscrit à la main : “Eliott”.
— On dirait une chambre, murmura Opaline.
— Elle est calme… presque endormie, ajouta Nougat.
Ils poussèrent doucement la porte, qui s’ouvrit sans bruit, comme si elle avait été prévenue de leur arrivée. À l’intérieur, la lumière était tamisée. Une veilleuse projetait des étoiles phosphorescentes au plafond, qui tournoyaient lentement comme un ciel en mouvement. Le mur était décoré de constellations dessinées à la main, et une petite fusée en carton pendait au-dessus du lit.
Dans le lit, un petit garçon dormait profondément. Il avait les joues roses, les paupières fermées, et ses bras entouraient un doudou en forme de renard. À côté de lui, une perfusion coulait doucement, reliée à son bras par un petit pansement bleu ciel.
— Il rêve, dit Opaline en s’approchant.
— De quoi ? demanda Nougat.
— Peut-être qu’il vole au-dessus du château, dans sa fusée. Peut-être qu’il explore des planètes où les enfants ne tombent jamais malades.
Ils s’assirent doucement au pied du lit, leurs queues enroulées autour d’eux. Le silence était profond, mais pas vide. Il était rempli de souffle, de battements de cœur, de murmures invisibles.
Une infirmière entra doucement, sans faire de bruit. Elle portait une blouse violette et un badge en forme d’étoile. Elle vérifia la perfusion, ajusta la couverture, caressa doucement les cheveux du petit garçon.
— Il dort bien, murmura-t-elle. Le sommeil, c’est le plus grand des médicaments.
— Vous le veillez ? demanda Opaline.
— Toujours. Même quand ils dorment, on reste là. On surveille, on protège, on rassure.
Elle s’agenouilla près du lit, regarda les étoiles au plafond.
— Cette chambre, c’est son cocon. On l’a décorée avec lui. Il a choisi les étoiles, la fusée, le renard. Ici, il se sent chez lui.
— Et quand il se réveille ? demanda Nougat.
— On lui raconte ce qu’il a manqué. On lui dit qu’il a été courageux, même en dormant.
Elle sourit, puis se leva doucement.
— Restez avec lui, si vous voulez. Les chats, ça apaise les rêves.
Elle referma la porte derrière elle, laissant les deux amis dans la pénombre étoilée.
Opaline sauta sur le rebord de la fenêtre et observa le ciel réel, derrière la vitre. Il était gris, nuageux, mais les étoiles du plafond continuaient de briller.
— Tu crois qu’il nous entend ? demanda Nougat.
— Peut-être pas avec ses oreilles. Mais avec son cœur, sûrement.
Ils restèrent là longtemps, veillant le sommeil d’Eliott. De temps en temps, il bougeait légèrement, murmurait des mots incompréhensibles, serrait son renard contre lui.
— C’est étrange, dit Nougat. On ne fait rien, et pourtant… on fait quelque chose.
— C’est ça, veiller, répondit Opaline. Être là. Être présent. Être doux.
Ils s’endormirent eux aussi, bercés par le souffle régulier du petit garçon, par les étoiles tournoyantes, par le silence bienveillant de la chambre.
Et dans leurs rêves, ils volaient avec Eliott, dans une fusée en carton, au-dessus du Château aux Portes Blanches, vers des galaxies où les enfants guérissent en riant.
Chapitre 6 : Le laboratoire des potions
Le couloir des couleurs semblait s’étirer à l’infini, comme un ruban de lumière. Après avoir quitté la chambre étoilée d’Eliott, Nougat et Opaline marchaient en silence, encore imprégnés de la douceur du sommeil et du murmure des étoiles.
Soudain, une porte s’ouvrit devant eux avec un petit “pschhh” discret. Une odeur étrange s’en échappa : un mélange de citron, de plastique neuf et de quelque chose d’indéfinissable… comme une énigme.
— C’est ici, murmura Opaline. Le laboratoire.
Sur la porte, une pancarte colorée disait : “Laboratoire des potions – Entrée réservée aux apprentis alchimistes et aux chats très curieux.”
— Ça tombe bien, dit Nougat. On est les deux.
Ils entrèrent.
La pièce était vaste, baignée d’une lumière blanche et froide. Des machines cliquetaient, bipaient, clignotaient. Des tubes de toutes les couleurs étaient alignés sur des étagères, comme des fioles magiques. Des blouses blanches circulaient, concentrées, silencieuses, comme des magiciens en pleine incantation.
— C’est… impressionnant, souffla Nougat.
— C’est un monde secret, répondit Opaline.
Un petit rat en blouse, portant des lunettes rondes, les salua d’un geste de patte.
— Bienvenue, chers visiteurs. Je suis Rémi, assistant de laboratoire. Ici, nous cherchons les secrets cachés dans le corps.
— Des secrets ? demanda Nougat.
— Oui. Des indices minuscules. Des messages dans le sang, dans l’urine, dans les cellules. Chaque enfant nous confie un peu de lui, et nous, on l’interroge avec respect.
Il les guida entre les machines.
— Voici le spectrophotomètre. Il lit les couleurs invisibles. Et là, le centrifugeur. Il fait tourner les échantillons très vite pour les séparer.
— On dirait des instruments de sorcier, murmura Opaline.
— C’est de la science, dit Rémi. Mais la science, c’est une forme de magie. Une magie qui obéit aux règles, mais qui sauve des vies.
Ils s’arrêtèrent devant une table où une technicienne manipulait des tubes avec des gants.
— Elle analyse le sang d’un petit garçon, expliqua Rémi. Elle cherche des signes d’infection. Si elle trouve quelque chose, les médecins sauront quoi faire.
— Et si elle ne trouve rien ? demanda Nougat.
— Alors c’est une bonne nouvelle. Parfois, ne rien trouver, c’est déjà guérir.
Opaline grimpa sur une étagère pour mieux voir. Des flacons étiquetés “glucose”, “protéines”, “globules blancs” étaient rangés comme des ingrédients de cuisine.
— C’est comme une recette, dit-elle. Mais au lieu de faire un gâteau, on fait un diagnostic.
Rémi sourit.
— Exactement. Et chaque enfant est une recette unique. Il faut du temps, de la précision, de la patience.
Ils passèrent devant une grande machine qui faisait “bip… bip… bip…”
— C’est l’automate, dit Rémi. Il travaille jour et nuit. Il ne se trompe jamais. Mais il ne comprend pas les émotions. C’est pour ça que les humains sont là.
— Pour relier les chiffres au cœur, murmura Opaline.
Ils s’arrêtèrent devant une grande vitre. Derrière, un microscope géant. Une chercheuse observait une lame avec attention.
— Elle regarde des cellules, dit Rémi. Des toutes petites choses qui vivent en nous. Parfois, elles sont malades. Parfois, elles sont juste fatiguées.
— Et vous les écoutez ? demanda Nougat.
— Oui. On les écoute avec les yeux. On les comprend avec les chiffres. Et on les soigne avec les mots.
Ils restèrent un moment à observer le ballet silencieux du laboratoire. Chaque geste était précis, chaque mouvement mesuré. Mais derrière cette rigueur, il y avait de la tendresse, de l’attention, de la bienveillance.
— Ce château est vraiment magique, dit Nougat.
— Et ses potions sont invisibles, ajouta Opaline.
Rémi les raccompagna jusqu’à la porte.
— Merci d’être venus. Les chats ont une intuition que les machines n’ont pas. Revenez quand vous voulez.
Ils sortirent, le cœur rempli de respect. Le laboratoire n’était pas un lieu froid. C’était un sanctuaire. Un endroit où l’on cherchait, où l’on trouvait, où l’on espérait.
— Prête pour la prochaine porte ? demanda Nougat.
— Toujours, répondit Opaline.
Et ils reprirent leur marche, vers le prochain secret du Château aux Portes Blanches.
Chapitre 7 : Le jardin suspendu
Après avoir quitté le laboratoire des potions, Nougat et Opaline suivirent un escalier en colimaçon qui montait vers les étages supérieurs. Leurs coussinets glissaient doucement sur les marches lisses, et à chaque tournant, une nouvelle odeur les enveloppait : lavande, menthe, terre humide…
— On dirait qu’on monte vers le ciel, murmura Nougat.
— Ou vers un secret bien gardé, répondit Opaline.
Tout en haut, une porte vitrée s’ouvrit sur un jardin suspendu. C’était un véritable paradis perché sur le toit du château. Des fleurs multicolores poussaient dans des bacs en bois, des arbres fruitiers étendaient leurs branches, et des légumes sortaient timidement de la terre. Des enfants jouaient, certains en fauteuil roulant, d’autres avec des perfusions roulantes comme des compagnons de route.
— C’est… merveilleux, souffla Nougat.
— C’est un jardin thérapeutique, dit une voix douce.
Une éducatrice en blouse verte s’approcha. Elle portait un chapeau de paille et tenait un arrosoir en forme de baleine.
— Ici, on respire, on joue, on oublie un peu la maladie. La nature aide à guérir, vous savez.
Elle montra un petit garçon qui plantait des graines avec application.
— Il s’appelle Adam. Il a une maladie rare. Mais quand il jardine, il oublie les piqûres, les examens. Il devient un magicien de la terre.
Opaline s’approcha d’un bac de fraises. Une fillette lui tendit une fraise mûre.
— Pour toi, chat crème.
— Merci, dit Opaline en ronronnant.
Des ateliers étaient organisés sous une tonnelle : peinture sur galets, fabrication de mobiles, lecture de contes. Un garçon lisait à voix haute : “Le dragon qui avait peur du vent.”
— Ce jardin est un monde à part, murmura Nougat. Un monde où les enfants redeviennent des enfants.
— Et où les chats deviennent des jardiniers, ajouta Opaline.
Ils restèrent longtemps, bercés par le chant des oiseaux, le rire des enfants, le bruissement des feuilles. Puis, doucement, ils redescendirent, le cœur léger, les moustaches parfumées à la menthe.
Chapitre 8 : Le bloc des braves
Le couloir menait maintenant à une zone plus silencieuse, plus sérieuse. Les murs étaient blancs, les lumières plus vives, et l’air sentait le savon et le métal. Une grande porte portait l’inscription : “Bloc opératoire – Silence, précision, courage.”
— C’est ici que les enfants sont opérés, murmura Opaline.
— On dirait un sanctuaire, dit Nougat.
Ils entrèrent discrètement. À l’intérieur, tout était calme, ordonné. Des personnes en tenue bleue circulaient, concentrées. Des instruments brillants étaient posés sur des plateaux. Des écrans montraient des images étranges : des cœurs qui battent, des poumons qui respirent.
Un chirurgien s’approcha. Il portait un masque, mais ses yeux souriaient.
— Bonjour, les petits visiteurs. Vous êtes curieux ?
— Très, répondit Nougat. Que faites-vous ici ?
— Nous réparons les corps. Nous retirons ce qui fait mal. Nous remettons ce qui est cassé. Avec précision, avec respect.
Il leur montra une salle où un enfant dormait sur une table, entouré d’infirmiers.
— Il s’appelle Maël. Il va être opéré du cœur. Il ne sentira rien. Et quand il se réveillera, il sera plus fort.
— Vous n’avez pas peur ? demanda Opaline.
— Toujours un peu. Mais le courage, ce n’est pas l’absence de peur. C’est avancer malgré elle.
Il leur montra ses instruments : bistouri, pince, fil de suture.
— Ce sont mes outils. Mais mon vrai outil, c’est la confiance. Celle des enfants, celle des parents, celle de l’équipe.
Ils restèrent un moment à observer. Tout était calme, précis, presque chorégraphié. Une danse silencieuse pour sauver des vies.
— Ce château est aussi un lieu de bravoure, murmura Nougat.
— Et chaque enfant est un chevalier, ajouta Opaline.
Ils quittèrent le bloc, impressionnés, respectueux, admiratifs.
Chapitre 9 : La salle des câlins
Après le silence du bloc, le couloir s’élargit vers une pièce pleine de couleurs, de rires, de musique. Une pancarte disait : “Salle des câlins – Ici, on soigne avec des peluches.”
— Enfin un endroit pour se rouler par terre, s’exclama Nougat.
— Et pour ronronner sans retenue, ajouta Opaline.
Ils entrèrent.
La salle était remplie de coussins, de tapis moelleux, de peluches géantes. Des enfants jouaient, dessinaient, construisaient des tours en cubes. Une animatrice en salopette arc-en-ciel les accueillit.
— Bienvenue ! Ici, on oublie les piqûres, les examens, les diagnostics. On joue, on rit, on invente.
Un petit garçon leur tendit une peluche en forme de chat.
— C’est pour vous. Il s’appelle Biscotte.
— Merci, dit Nougat. Il a l’air très câlin.
Des marionnettes racontaient des histoires. Une guitare jouait doucement. Un enfant faisait des bulles de savon qui flottaient comme des rêves.
— Le jeu, c’est une médecine invisible, dit l’animatrice. Il répare ce qu’on ne voit pas.
— Et les câlins ? demanda Opaline.
— Les câlins sont des pansements pour le cœur.
Ils s’allongèrent sur un coussin géant. Des enfants vinrent les caresser, les couvrir de bisous, leur raconter leurs secrets.
— Je vais mieux, dit une fillette. Parce que j’ai ri.
— Moi aussi, dit un garçon. Parce que j’ai joué.
— Et moi, dit un autre. Parce que j’ai fait un câlin à un chat crème.
Nougat et Opaline ronronnèrent, heureux, entourés d’amour et de tendresse.
— Ce château est aussi un refuge, murmura Nougat.
— Un refuge pour les cœurs fatigués, ajouta Opaline.
Chapitre 10 : Le chant des machines
Le couloir s’était fait plus étroit, plus feutré. Les murs, toujours décorés de dessins d’enfants, laissaient peu à peu place à des panneaux plus sobres, des pictogrammes mystérieux, des flèches pointant vers des lieux aux noms étranges : “IRM”, “Scanner”, “Échographie”.
Nougat s’arrêta devant une porte grise, légèrement entrouverte. De l’autre côté, un bourdonnement régulier, presque musical, s’échappait.
— Tu entends ? demanda-t-il à Opaline. On dirait une chanson de robot.
— Ou une berceuse pour les os, répondit-elle en souriant.
Ils poussèrent la porte.
La pièce était grande, baignée d’une lumière douce. Au centre, une machine immense, blanche et ronde, ressemblait à un tunnel magique. Des câbles serpentaient comme des lianes, des écrans affichaient des images en noir et blanc, et des boutons clignotaient doucement, comme des lucioles électroniques.
— Bienvenue dans la salle d’imagerie, dit une voix calme.
Une femme en blouse bleue s’approcha. Elle portait un badge où l’on pouvait lire : “Lina – Manipulatrice en radiologie”.
— Vous êtes les petits explorateurs dont tout le monde parle ? Venez, je vais vous montrer.
Elle les guida vers un écran. Une image étrange y était affichée : un squelette minuscule, avec une colonne comme une échelle, des côtes comme des ailes.
— C’est une radio, expliqua Lina. Elle montre les os. Ici, c’est le thorax d’un enfant. On vérifie que tout est bien en place.
— On dirait une carte au trésor, murmura Opaline.
— C’est exactement ça, répondit Lina. Une carte du corps. Chaque image nous aide à comprendre ce qui ne va pas.
Elle leur montra une autre salle, plus sombre. Une machine en forme de beignet géant émettait un bourdonnement régulier.
— Voici le scanner. Il prend des photos en tranches, comme si on coupait un gâteau. On peut voir l’intérieur du corps sans ouvrir.
— C’est magique, dit Nougat.
— C’est de la science, sourit Lina. Mais la science, c’est souvent de la magie qu’on a appris à expliquer.
Un petit garçon entra, accompagné d’un brancardier. Il s’appelait Sami. Il avait l’air un peu inquiet, mais il tenait fort la main de sa maman.
— Bonjour Sami, dit Lina doucement. Tu es prêt pour ton voyage spatial ?
— Un voyage spatial ? répéta-t-il, les yeux ronds.
— Bien sûr. Tu vas entrer dans notre vaisseau scanner. Il fait un peu de bruit, mais il ne bouge pas. Et toi, tu restes allongé, comme un astronaute. Tu veux un casque pour écouter de la musique ?
Sami hocha la tête. Lina lui mit un casque sur les oreilles. Une douce mélodie s’échappa.
— Et maintenant, ferme les yeux. Imagine que tu voles au-dessus des planètes.
La machine se mit en marche. Elle bourdonnait, cliquetait, chantait doucement. Sur l’écran, des images apparaissaient : des cercles, des lignes, des formes mystérieuses.
— C’est son ventre, expliqua Lina. On vérifie que tout va bien à l’intérieur.
— Et s’il y a un problème ? demanda Nougat.
— Alors on le voit. Et on peut agir. Ces images sont comme des messages que le corps nous envoie.
Quand l’examen fut terminé, Sami sortit du scanner, un sourire aux lèvres.
— J’ai vu des étoiles, dit-il.
— Tu es un vrai cosmonaute, répondit Lina.
Elle tendit une image imprimée à sa maman, puis se tourna vers les chats.
— Vous voyez, ici, les machines chantent. Mais ce sont les enfants qui nous montrent le chemin.
Nougat et Opaline restèrent un moment à observer les écrans, fascinés. Chaque image était un mystère, chaque clic une réponse, chaque bourdonnement une promesse.
— Ce château sait tout voir, murmura Nougat.
— Même ce que les yeux ne peuvent pas, ajouta Opaline.
Ils quittèrent la salle d’imagerie, le cœur rempli de respect pour ces machines qui chantaient, et pour ceux qui savaient les écouter.
Chapitre 11 : Le départ des héros
Le matin était clair, presque transparent. Une lumière douce baignait les couloirs du Château aux Portes Blanches, comme si le soleil lui-même voulait saluer les enfants. Nougat et Opaline marchaient lentement, leurs coussinets effleurant le sol brillant. Ils sentaient que quelque chose était sur le point de changer.
— Tu sens ça ? murmura Nougat.
— Oui, répondit Opaline. C’est le parfum du départ. Celui qui mélange la joie et la nostalgie.
Ils s’arrêtèrent devant une porte ouverte. Une infirmière pliait des vêtements dans un sac à dos. Une maman attachait les lacets d’un petit garçon. Et lui, debout, vêtu d’un pull bleu ciel, tenait son doudou contre lui, les yeux brillants.
— C’est Eliott, chuchota Nougat. Le petit garçon de la chambre aux étoiles.
— Il rentre chez lui, dit Opaline. Il a terminé son voyage.
Eliott regardait autour de lui, comme pour graver chaque détail dans sa mémoire : les dessins sur les murs, les sourires des soignants, les guirlandes en papier, les portes blanches qui s’ouvraient comme des promesses.
— Tu es prêt ? demanda l’infirmière.
— Oui, répondit-il. Mais je vais quand même un peu regretter ici.
— C’est normal, dit-elle en lui tendant un petit carnet. Tiens, c’est pour toi. Tu pourras y écrire tes souvenirs, tes rêves, tes projets.
Eliott ouvrit le carnet. Sur la première page, un dessin : un château blanc, deux chats, une fusée, des étoiles.
— C’est nous, murmura Nougat.
— Il nous a vus, dit Opaline. Même s’il ne sait pas vraiment.
Ils le suivirent discrètement jusqu’au hall. Là, tout était calme. Une bénévole lui donna un ballon. Un médecin lui fit un clin d’œil. Un clown lui offrit une dernière bulle de savon.
— Tu as été très courageux, Eliott, dit la secrétaire. Tu es un vrai héros.
— Je n’ai pas fait grand-chose, répondit-il.
— Tu as fait tout ce qu’il fallait : tu as eu confiance.
Il s’approcha de la porte automatique. Elle s’ouvrit doucement, comme pour lui dire au revoir. Il se retourna une dernière fois, regarda le château, puis sortit, la main dans celle de sa maman.
— Merci, murmura-t-il à son doudou.
Et dans ce murmure, il y avait aussi un merci pour les murs, pour les soignants, pour les machines, pour les silences… et pour les deux chats qui l’avaient veillé sans qu’il le sache.
Nougat et Opaline le regardèrent s’éloigner.
— Il est guéri, dit Opaline.
— Et prêt pour de nouvelles aventures, ajouta Nougat.
Ils restèrent un moment devant la porte, le cœur rempli d’une tendresse immense. Le Château aux Portes Blanches avait accompli sa mission. Et eux aussi.
— Tu crois qu’on le reverra ? demanda Nougat.
— Peut-être. Ou peut-être qu’il nous dessinera dans ses rêves.
Ils retournèrent dans le couloir, plus légers, plus lumineux. Le départ d’un enfant, ici, n’était jamais une fin. C’était une victoire. Une promesse tenue.
Et déjà, derrière une autre porte blanche, un nouveau murmure les appelait.
Chapitre 12 : Le carnet des souvenirs
Le soleil commençait à descendre derrière les toits de la ville, étirant les ombres sur les trottoirs et dorant les vitres du Château aux Portes Blanches. Dans le jardin suspendu, les fleurs se refermaient doucement. Dans les couloirs, les pas se faisaient plus discrets, les voix plus basses. C’était l’heure où le château se mettait à chuchoter.
Nougat et Opaline, les pattes un peu lourdes, descendirent lentement les escaliers. Ils avaient visité chaque recoin, franchi chaque porte blanche, écouté chaque murmure. Ils avaient vu les enfants rire, pleurer, dormir, guérir. Ils avaient appris le langage des machines, des silences, des regards.
— Il est temps de rentrer, dit Opaline.
— Oui, murmura Nougat. Mais je ne veux pas oublier.
Ils quittèrent le château par la grande porte vitrée. Le vent du soir les accueillit avec une caresse fraîche. Ils traversèrent la ville, les trottoirs, les ruelles, les jardins. Le monde semblait plus vaste, plus doux, plus fragile.
Quand ils arrivèrent à la maison aux volets bleus, le ciel était devenu violet. Une étoile brillait déjà, seule, au-dessus du vieux cerisier.
Dans le salon, ils retrouvèrent leur coussin préféré, leur bol d’eau, leur panier moelleux. Mais avant de s’y blottir, Opaline grimpa sur la table et sortit un vieux carnet à spirales. Celui qu’ils utilisaient parfois pour dessiner avec leurs pattes, ou coller des feuilles d’automne.
— On va écrire, dit-elle.
— Tout ? demanda Nougat.
— Tout ce qu’on peut. Tout ce qu’on veut garder.
Ils prirent une plume tombée du jardin, la trempèrent dans un peu d’encre, et commencèrent à écrire. Le carnet s’ouvrit sur une première page :
“Aujourd’hui, nous avons découvert un château. Il n’avait pas de douves, mais des couloirs. Pas de chevaliers, mais des enfants courageux. Pas de dragons, mais des machines qui chantent. Pas de sortilèges, mais des soins, des câlins, des silences. Nous avons veillé, écouté, appris. Et nous reviendrons.”
Ils collèrent une feuille de menthe du jardin suspendu. Un petit pansement en forme d’étoile. Un dessin d’Eliott. Une bulle de savon séchée. Une empreinte de patte.
— Tu crois qu’on a été utiles ? demanda Nougat.
— Je crois qu’on a été là. Et parfois, c’est tout ce qu’il faut.
Ils refermèrent le carnet. Le vent souffla doucement à travers la fenêtre entrouverte. Une étoile filante traversa le ciel.
— Tu sais, dit Opaline, il y aura toujours un enfant qui aura besoin d’un chat pour veiller sur lui.
— Alors on reviendra, dit Nougat.
Et ils s’endormirent, pelotonnés l’un contre l’autre, le cœur rempli de souvenirs, de promesses, et d’un peu de magie.
Le Château aux Portes Blanches brillait encore, là-bas, dans la nuit. Et quelque part, derrière une porte blanche, un enfant rêvait… peut-être d’un chat roux et d’une chatte crème.

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