"Les Silences de l’Abîme"
📍 Chapitre 1 : Le Dernier Message
La pluie martelait les vitres du petit appartement de Clara, niché au cinquième étage d’un immeuble ancien du quartier Montmartre. Il était 2h17 du matin. Elle n’arrivait pas à dormir. Depuis trois jours, un détail la hantait : le dernier message de son frère, disparu sans laisser de trace.
"Ne fais confiance à personne. Même pas à toi-même."
Clara relut le SMS pour la centième fois. Elle avait d’abord cru à une blague. Puis elle avait appelé. Pas de réponse. Elle avait contacté la police. Rien d’anormal, selon eux. Un adulte a le droit de disparaître.
Mais elle savait que quelque chose clochait. Son frère, Julien, n’était pas du genre à fuir. Surtout pas sans prévenir. Et surtout pas en laissant derrière lui une phrase aussi énigmatique.
Elle se leva, enfila un vieux sweat et ouvrit son ordinateur. Elle avait besoin de comprendre. Julien travaillait dans la cybersécurité. Il avait récemment évoqué un projet confidentiel, un truc "trop gros pour être vrai", selon ses mots. Elle fouilla dans ses mails, ses dossiers, ses sauvegardes. Rien. Tout avait été effacé.
Soudain, une fenêtre s’ouvrit sur son écran. Un fichier inconnu venait d’apparaître : "ABYSS_01".
Clara hésita. Puis cliqua.
L’écran devint noir. Une voix synthétique s’éleva :
"Bienvenue dans l’Abîme. Ce que vous allez découvrir pourrait vous coûter la vie."
📍 Chapitre 2 : Le Code Caché
Le silence de la nuit était pesant, seulement troublé par le cliquetis régulier de la pluie contre les vitres. Clara, les yeux cernés, fixait l’écran de son ordinateur. Le fichier mystérieux, "ABYSS_01", trônait au centre du bureau, comme une énigme insoluble. Elle hésita encore un instant, puis cliqua.
L’écran vira brusquement au noir. Un frisson lui parcourut l’échine. Une voix synthétique, métallique, s’éleva, semblant provenir de nulle part :
« Bienvenue dans l’Abîme. Ce que vous allez découvrir pourrait vous coûter la vie. »
Le message disparut aussi vite qu’il était apparu, remplacé par une interface rudimentaire : un fond noir, une ligne de commande clignotante, et une suite de caractères incompréhensibles :
X4F7-9A2B-1C3D-ABYSS-ΔΣΦΩ-001
Clara sentit son cœur s’accélérer. Ce n’était pas un simple fichier. C’était un portail. Un accès à quelque chose de bien plus vaste. Elle prit une photo de l’écran avec son téléphone, puis ouvrit un éditeur de texte pour copier le code. Elle savait que Julien utilisait souvent des systèmes de chiffrement maison, inspirés de leurs souvenirs d’enfance.
Elle tenta quelques mots de passe : leur date de naissance commune, le nom de leur chien, le titre de leur chanson préférée. Rien. L’interface restait figée, impassible.
Puis un souvenir lui revint. Julien et elle avaient un jeu, quand ils étaient enfants. Ils cachaient des messages dans des livres, en soulignant des mots à la page 237. Toujours la 237. Elle se leva d’un bond, fouilla dans sa bibliothèque, et trouva un vieux roman de science-fiction qu’ils adoraient : "Les Portes de l’Infini". À la page 237, un mot était souligné au crayon : "abîme".
Elle retourna à l’écran, tapa le mot en majuscules : ABYME.
Un déclic. L’interface se transforma. Une nouvelle fenêtre s’ouvrit, révélant un dossier unique : "Projet Némésis".
Clara cliqua.
À l’intérieur, des dizaines de fichiers. Des rapports, des vidéos, des extraits audio. Tous cryptés. Mais un seul fichier était lisible : "README_NEMESIS.txt".
Elle l’ouvrit.
"Si tu lis ceci, c’est que je suis probablement mort ou en fuite. Le Projet Némésis est réel. Il s’agit d’un programme de manipulation cognitive, capable de modifier les souvenirs humains à distance. Ils m’ont découvert. Ne fais confiance à personne. Même pas à toi-même. — Julien."
Clara sentit le sol se dérober sous ses pieds. Manipuler les souvenirs ? Était-ce possible ? Était-elle en train de devenir folle ? Ou pire… avait-elle déjà été manipulée ?
Un bruit sourd la fit sursauter. Quelqu’un venait de frapper à sa porte.
Trois coups. Lents. Précis.
Elle se figea.
📍 Chapitre 3 : L’Intrusion
Les trois coups résonnèrent dans l’appartement comme une sentence. Lents. Précis. Inquiétants.
Clara se figea, le souffle suspendu. Elle n’attendait personne. Et à cette heure, dans ce quartier calme de Montmartre, les visites nocturnes étaient rares… et rarement innocentes.
Elle s’approcha à pas feutrés de la porte, le cœur battant à tout rompre. Elle jeta un œil par le judas : personne. Juste le couloir plongé dans une pénombre inquiétante. Pourtant, elle était certaine d’avoir entendu ces coups. Ils n’étaient pas imaginaires.
Un frisson la parcourut. Elle recula, attrapa son téléphone, et composa le numéro de Julien. Encore une fois, la messagerie. Elle raccrocha, puis ouvrit l’application de sa caméra intérieure. L’image était figée. Brouillée. Comme si quelqu’un avait piraté le flux.
Elle se dirigea vers la fenêtre, entrouvrit le rideau. En bas, une silhouette se tenait immobile, juste sous le lampadaire. Un homme, grand, vêtu d’un manteau sombre. Il ne bougeait pas. Ne regardait pas vers elle. Mais elle sentait qu’il savait.
Clara recula, ferma les rideaux, et verrouilla la porte. Elle retourna à son ordinateur. Le dossier Projet Némésis était toujours ouvert. Elle cliqua sur un autre fichier : "NEMESIS_PROTOCOL_01.mp4".
La vidéo démarra. Une salle blanche, aseptisée. Des hommes en blouse. Une femme assise, les yeux dans le vide. Une voix off :
« Sujet 17. Test de réécriture mnésique. Injection du protocole Némésis dans le cortex limbique. »
Clara sentit son estomac se nouer. La femme dans la vidéo se mit à pleurer. Puis à rire. Puis à hurler. Ses souvenirs semblaient se dissoudre sous ses yeux.
« Résultat : perte d’identité. Réinitialisation cognitive réussie. »
Clara coupa la vidéo. Elle était au bord de la panique. Julien avait découvert quelque chose de monstrueux. Et maintenant, elle était impliquée.
Un bruit métallique retentit dans le couloir. Comme une clé qu’on insère dans une serrure.
Clara attrapa un couteau dans la cuisine. Elle n’était pas prête. Mais elle n’avait pas le choix.
La poignée tourna lentement.
📍 Chapitre 4 : Le Contact
La poignée tourna lentement, dans un silence presque cérémoniel. Clara, le couteau serré dans sa main moite, se tenait à quelques pas de la porte, le souffle court. Elle s’attendait à voir surgir un inconnu, un agent, un monstre. Mais rien ne se passa.
Puis, un murmure à travers la porte :
« Clara… je suis un ami de Julien. Il m’a dit que tu serais en danger. »
Elle resta figée. La voix était calme, grave, presque familière. Mais elle ne reconnaissait pas l’homme. Elle s’approcha du judas. Cette fois, une silhouette se tenait là, visage à moitié caché par une capuche. Il ne bougeait pas. Il attendait.
« Je ne suis pas là pour te faire du mal. Mais si tu n’ouvres pas, ils vont te trouver. Et là, ce sera trop tard. »
Clara hésita. Chaque fibre de son corps lui criait de fuir. Mais le nom de Julien avait suffi à fissurer sa méfiance. Elle déverrouilla la porte, lentement, prête à refermer au moindre geste suspect.
L’homme entra sans un mot, referma derrière lui, puis ôta sa capuche. Il avait une quarantaine d’années, les traits marqués, les yeux fatigués. Il tendit une carte : Marc Delorme – Analyste indépendant.
« Julien m’a contacté il y a trois semaines. Il avait découvert que le Projet Némésis était en phase de test. Pas sur des cobayes. Sur des civils. »
Clara sentit son cœur se serrer.
« Des civils ? Tu veux dire… des gens comme moi ? »
Marc hocha la tête.
« Des gens comme toi. Comme moi. Comme tout le monde. Ils ont infiltré des réseaux sociaux, des plateformes de streaming, même des assistants vocaux. Ils testent des algorithmes capables de modifier la perception du réel. Julien a réussi à extraire une partie du code. Mais il savait qu’il ne tiendrait pas longtemps. »
Clara se laissa tomber sur le canapé, le couteau toujours à la main.
« Et maintenant ? Qu’est-ce que je suis censée faire ? »
Marc s’approcha, sortit une clé USB de sa poche.
« Julien m’a demandé de te remettre ça. Il disait que toi seule saurais comment l’utiliser. »
Clara prit la clé, la regarda comme si elle contenait une bombe. Peut-être que c’était le cas.
« Tu as une heure. Après ça, ils te retrouveront. Et ils effaceront tout. »
📍 Chapitre 5 : Le Réseau
Clara inséra la clé USB dans son ordinateur, les mains moites. L’écran clignota brièvement, puis un dossier s’ouvrit automatiquement : NEMESIS_CORE. À l’intérieur, une arborescence complexe de fichiers, dossiers, logs, et un document nommé "Réseau_Actif.json".
Elle l’ouvrit.
Des centaines de noms. Des adresses IP. Des localisations. Des profils. Tous liés à des individus. Des civils. Des journalistes, des enseignants, des médecins, des étudiants. Tous marqués comme "cibles actives".
« C’est leur réseau de test, » expliqua Marc, penché derrière elle. « Ils ont infiltré des serveurs publics, des plateformes de streaming, des assistants vocaux, même des jeux en ligne. Chaque interaction est analysée, modifiée, réinjectée. »
Clara parcourut les lignes de code. Elle reconnut des noms. Des gens qu’elle connaissait. Des collègues. Des amis. Elle sentit une nausée monter.
« Et moi ? » demanda-t-elle. « Est-ce que je suis… dedans ? »
Marc tapota quelques touches. Une recherche. Une ligne apparut :
Clara Morel – ID: C-017 – Statut : Observation renforcée – Niveau d’altération : 12%
Clara recula. Elle avait été altérée. Pas entièrement. Mais suffisamment pour que sa perception soit biaisée. Elle se demanda ce qui, dans sa vie, avait été modifié. Ses souvenirs ? Ses émotions ? Ses décisions ?
« Julien pensait que le système était encore instable. Que certaines personnes pouvaient résister. Il croyait que tu faisais partie de ces exceptions. »
Clara se leva, fit les cent pas. Elle se sentait envahie. Violée. Chaque pensée pouvait être une illusion.
« Et maintenant ? Qu’est-ce qu’on fait ? »
Marc sortit un petit boîtier de sa poche. Un décodeur. Un outil capable de détecter les altérations cognitives en temps réel.
« On va remonter la source. Le cœur du réseau. Il est caché dans un centre de données à Genève. Julien avait prévu d’y aller. Mais il a disparu avant. »
Clara le regarda. Elle comprit que le choix n’était plus entre agir ou fuir. C’était entre vérité et oubli.
« Alors on y va. »
📍 Chapitre 6 : Le Mensonge
Le train filait à travers la nuit, direction Genève. Clara, assise face à Marc dans un compartiment presque vide, fixait le paysage flou derrière la vitre. Les montagnes se dessinaient à peine dans l’obscurité. Elle n’avait pas dormi depuis deux jours. Et pourtant, elle n’arrivait pas à fermer l’œil.
« Tu es sûre que Julien t’a tout dit ? » demanda Marc, les bras croisés.
Clara tourna lentement la tête vers lui.
« Qu’est-ce que tu veux dire ? »
Marc sortit une tablette, la posa sur la table, et ouvrit un dossier : "Julien_Morel – Archives personnelles". Des photos, des vidéos, des extraits de mails. Clara reconnut son frère, mais dans des contextes qu’elle ne connaissait pas : conférences secrètes, réunions dans des lieux discrets, échanges avec des noms codés.
« Julien n’était pas juste un expert en cybersécurité. Il était l’un des architectes du système Némésis. Il a aidé à le concevoir. »
Clara sentit son cœur se serrer.
« Non. C’est impossible. Il m’a dit qu’il enquêtait dessus. Qu’il voulait le détruire. »
Marc hocha la tête.
« C’est vrai. Mais seulement après avoir compris ce qu’il avait créé. Il pensait que c’était un outil de protection cognitive. Un moyen de renforcer la mémoire. Mais l’organisation a détourné le projet. Ils ont transformé Némésis en arme. »
Clara se leva, fit les cent pas dans le compartiment.
« Pourquoi il ne m’a rien dit ? Pourquoi me laisser dans l’ignorance ? »
Marc la regarda avec une gravité nouvelle.
« Peut-être parce qu’il savait que tu étais déjà altérée. Que tu ne te souviendrais pas. »
Clara s’arrêta net.
« Tu veux dire que… que mes souvenirs de Julien… pourraient être faux ? »
Marc ne répondit pas. Il ouvrit un autre fichier : une vidéo. Julien, assis dans une pièce sombre, parlait à la caméra.
« Clara, si tu vois ça, c’est que je n’ai pas réussi. Je suis désolé. Je t’ai menti. Pas pour te blesser. Pour te protéger. Tu as été exposée à Némésis il y a six mois. Tu ne t’en souviens pas. Mais ils ont tenté de te réinitialiser. Tu as résisté. C’est pour ça que tu es la clé. »
Clara sentit ses jambes flancher. Elle s’assit, les mains tremblantes.
« Je ne sais plus ce qui est vrai. »
Marc posa une main sur son épaule.
« Alors il faut aller chercher la vérité. Là où elle est encore intacte. »
Le train entra dans un tunnel. L’écran de la tablette clignota. Une alerte : "Signal intercepté – Traçage en cours".
Marc se leva brusquement.
« Ils nous ont repérés. Prépare-toi. À partir de maintenant, chaque minute compte. »
📍 Chapitre 7 : La Chasse
Le train venait à peine de sortir du tunnel que Marc arracha la tablette de la table et la glissa dans son sac. L’alerte était claire : leur signal avait été intercepté. Ils n’étaient plus invisibles.
« On descend à la prochaine gare, » dit-il d’un ton sec. « Ils vont nous attendre à Genève. »
Clara acquiesça, le cœur battant. Elle regarda autour d’elle. Le wagon semblait vide, mais elle savait que ça ne voulait rien dire. Le système Némésis pouvait altérer la perception. Ce qu’elle voyait n’était peut-être pas réel.
Le train ralentit. Une gare de campagne, perdue dans les montagnes suisses. Ils descendirent sans se retourner. Marc les guida vers une route forestière, loin des caméras, loin des signaux.
« Il y a un relais sécurisé à quelques kilomètres. Un ancien bunker de télécommunications. Julien l’avait repéré. On peut s’y connecter sans être tracés. »
Ils marchèrent pendant plus d’une heure, dans le froid, les pieds glissant sur les feuilles humides. Clara sentait la fatigue la rattraper, mais l’adrénaline la tenait debout.
Soudain, un bruit derrière eux. Des pas. Rapides. Précis.
Marc s’arrêta, sortit un petit boîtier de son sac. Il l’activa. Un signal brouilleur. Le bruit s’évanouit.
« Ils utilisent des drones. Microphones directionnels. Ils nous écoutent. »
Clara sentit une sueur glacée couler dans son dos. Elle n’était pas prête pour ça. Elle n’était qu’une civile. Mais elle était devenue une cible.
Ils atteignirent enfin le bunker. Une porte métallique, rouillée, dissimulée sous un amas de branches. Marc entra un code. La porte s’ouvrit dans un grincement sinistre.
À l’intérieur, des serveurs anciens, des câbles, des écrans poussiéreux. Mais le réseau était actif. Isolé. Invisible.
Marc connecta la tablette. Clara s’assit, épuisée. L’écran s’alluma. Une carte du réseau Némésis apparut. Des nœuds. Des flux. Des centres de contrôle.
« Voilà leur cœur. Il est ici. À Genève. Dans un centre de données privé, sous couverture médicale. »
Clara se leva, les yeux fixés sur l’écran.
« Alors on y va. On entre. Et on détruit tout. »
Marc la regarda, surpris par sa détermination.
« Tu es sûre ? Ce n’est pas un jeu. Ce que tu verras là-bas pourrait te briser. »
Clara hocha la tête.
« Je préfère être brisée que manipulée. »
📍 Chapitre 8 : Le Refuge
Le bunker était plongé dans une semi-obscurité, éclairé seulement par les LED clignotantes des vieux serveurs. Clara, assise sur une caisse métallique, tentait de reprendre son souffle. Marc tapait frénétiquement sur le clavier d’un terminal, cherchant une route sécurisée vers Genève.
« On ne peut pas y aller seuls, » dit-il enfin. « Il nous faut quelqu’un qui connaît le terrain. Quelqu’un de l’intérieur. »
Clara releva la tête.
« Tu as quelqu’un en tête ? »
Marc hésita, puis sortit un vieux téléphone satellite. Il composa un numéro, attendit. Une voix rauque répondit.
« C’est moi. On a besoin de toi. C’est urgent. »
Il raccrocha sans ajouter un mot.
« Il s’appelle Elias. Ancien ingénieur du projet. Il a disparu il y a deux ans, officiellement mort dans un accident. Officieusement… il s’est caché. »
Deux heures plus tard, dans une cabane isolée au bord d’un lac alpin, Elias les attendait. Grand, maigre, les cheveux en bataille, les yeux vifs. Il les fit entrer sans un mot, verrouilla la porte derrière eux.
« Julien m’avait prévenu que ça arriverait. Il m’a envoyé des fragments du code. Mais je n’ai jamais réussi à le décrypter. »
Clara tendit la clé USB. Elias la connecta à son propre système. L’écran s’illumina. Des lignes de code défilèrent. Elias sourit.
« Voilà ce qu’il nous manquait. Le noyau. Le cœur de Némésis. »
Il ouvrit un fichier : "NEMESIS_ROOT_PROTOCOL". À l’intérieur, une carte du centre de données, des plans de sécurité, des identifiants. Julien avait tout prévu.
« Il y a une faille dans leur système. Une porte dérobée. Julien l’a laissée ouverte. Si on l’atteint, on peut injecter un virus. Détruire Némésis. »
Clara s’approcha de l’écran.
« Et si on échoue ? »
Elias la regarda, grave.
« Alors ils réécriront le monde. Et personne ne saura jamais que c’était faux. »
Marc posa une main sur l’épaule de Clara.
« On y va demain. À l’aube. Prépare-toi. Ce sera dangereux. »
📍 Chapitre 9 : Le Dossier
Le matin s’était levé sur les Alpes, mais Clara ne le vit pas. Elle était absorbée par l’écran, les yeux rivés sur les lignes de code qui défilaient comme un langage venu d’un autre monde. Elias, penché à côté d’elle, déchiffrait les fragments du noyau Némésis avec une concentration presque religieuse.
« Ce n’est pas juste un programme, » murmura-t-il. « C’est une structure cognitive. Une matrice capable de reconfigurer la perception humaine en temps réel. »
Clara fronça les sourcils.
« Tu veux dire… qu’ils peuvent changer ce que les gens voient ? Ce qu’ils ressentent ? »
Elias hocha lentement la tête.
« Pas seulement. Ils peuvent modifier les souvenirs, les émotions, les convictions. Ils peuvent effacer un traumatisme, implanter une loyauté, créer une peur. Et tout ça sans que la personne ne s’en rende compte. »
Marc, assis en retrait, observait en silence. Il savait que Clara avait besoin de comprendre. De digérer. Mais le temps pressait.
Clara ouvrit un fichier nommé "Dossier_Origine". À l’intérieur, une série de rapports confidentiels, datés de plus de dix ans. Le projet avait commencé comme une initiative médicale : aider les patients atteints de troubles de la mémoire, de stress post-traumatique, de dépression sévère. Mais très vite, les financements avaient changé. Les objectifs aussi.
« Regarde ça, » dit-elle en pointant un extrait. « Ils ont testé le protocole sur des enfants dans des centres de rééducation. Ils ont effacé des souvenirs de violence familiale. Mais certains ont développé des hallucinations. Des pertes d’identité. »
Elias tapota sur le clavier, ouvrit un autre fichier : "Némésis_Applications". Une liste de secteurs : politique, publicité, éducation, défense.
« Ils ont infiltré des campagnes électorales, des plateformes de streaming, des assistants vocaux. Chaque fois qu’un utilisateur interagit, le système analyse ses biais cognitifs et injecte des micro-altérations. Des mots, des images, des sons. Rien de visible. Mais suffisant pour orienter une pensée. »
Clara sentit une sueur froide couler dans son dos.
« Et Julien ? Il a travaillé là-dessus ? »
Elias se tourna vers elle, les yeux sombres.
« Il a conçu la première version du noyau. Mais il croyait que c’était pour le bien. Quand il a compris, il a tenté de saboter le projet. C’est là qu’ils l’ont traqué. Et qu’il t’a protégée. »
Clara se leva, fit les cent pas dans la pièce. Elle se sentait envahie. Chaque souvenir, chaque émotion, chaque choix pouvait être une illusion.
« Alors comment on détruit ça ? »
Marc s’approcha, tendit une carte d’accès.
« Julien a laissé une porte dérobée dans le centre de données de Genève. Si on l’atteint, Elias peut injecter un virus. Un effaceur. Il ne supprimera pas les souvenirs altérés, mais il désactivera le système. »
Clara prit la carte. Elle savait que ce n’était pas juste une mission. C’était une guerre silencieuse. Une guerre contre l’effacement de l’humanité.
« On y va ce soir. »
Elias acquiesça.
« Prépare-toi. Ce que tu verras là-bas… pourrait te faire douter de tout. Même de toi-même. »
📍 Chapitre 10 : Le Piège
La nuit était tombée sur Genève, glaciale et silencieuse. Clara, vêtue d’un manteau sombre, marchait aux côtés de Marc dans une ruelle discrète du quartier des Eaux-Vives. Elias les avait guidés jusqu’à une entrée de service, dissimulée derrière un ancien bâtiment médical. Le centre de données était là, sous terre, camouflé sous une façade anodine : Clinique Neurologique Saint-Rémy.
« C’est ici, » murmura Marc. « Le cœur de Némésis. »
Clara sentit son pouls s’accélérer. Elle se souvenait des mots d’Elias : “Ce que tu verras là-bas pourrait te faire douter de tout.” Elle n’avait pas compris à quel point.
Ils passèrent une porte latérale, descendirent un escalier en colimaçon, puis traversèrent un couloir faiblement éclairé. À chaque pas, Clara sentait l’air devenir plus dense, plus chargé. Comme si le bâtiment lui-même respirait.
Marc inséra la carte d’accès dans un terminal. Un bip. La porte s’ouvrit.
Ils pénétrèrent dans une salle immense, tapissée de serveurs, d’écrans, de câbles. Au centre, une console principale clignotait. Elias leur avait donné les instructions : insérer le virus dans le noyau, déclencher la purge, puis fuir avant que le système ne se referme.
Clara s’approcha de la console. Elle inséra la clé USB. L’écran s’illumina. Une interface s’ouvrit : NÉMÉSIS – Accès racine.
Mais avant qu’elle ne puisse agir, une voix s’éleva derrière eux.
« Vous êtes plus rapides que prévu. »
Clara se retourna brusquement. Un homme se tenait là, vêtu d’un costume sobre, les mains dans les poches. Il souriait. Mais ses yeux étaient froids. Vides.
« Julien vous a bien formés. Mais il a oublié une chose : Némésis ne se détruit pas. Il s’adapte. »
Marc se plaça devant Clara, prêt à agir.
« Qui êtes-vous ? »
L’homme s’approcha lentement.
« Je suis ce que Julien aurait pu devenir. Un architecte. Un visionnaire. Vous croyez que vous luttez contre une machine. Mais vous luttez contre une idée. Une nouvelle réalité. »
Clara sentit le sol vaciller sous ses pieds. L’homme appuya sur un bouton. Les écrans autour d’eux s’activèrent. Des visages apparurent. Des gens. Des enfants. Des vieillards. Tous en train de parler, de rire, de pleurer. Tous altérés.
« Ce que vous voyez, c’est le monde tel qu’il est devenu. Chaque pensée, chaque émotion, chaque souvenir… calibré. Optimisé. Vous voulez détruire ça ? »
Clara s’approcha de la console. Elle savait qu’elle n’avait que quelques secondes. Elle lança le protocole. Le virus s’activa.
« Trop tard, » dit-elle. « Vous avez oublié une chose. Les idées ne s’adaptent pas à la vérité. Elles la fuient. »
L’homme recula. Les écrans se brouillèrent. Les serveurs grésillèrent. Le système commença à s’effondrer.
Mais alors que Clara et Marc s’apprêtaient à fuir, une alarme retentit. La porte se verrouilla. Le virus avait déclenché une contre-mesure.
« C’est un piège, » murmura Marc. « Ils savaient que Julien nous enverrait ici. »
Clara se tourna vers lui, les yeux brillants.
« Alors on improvise. »
📍 Chapitre 11 : La Faille
L’alarme stridente résonnait dans tout le centre de données. Les lumières clignotaient, les serveurs grésillaient, et la température de la pièce semblait monter d’un cran. Clara et Marc étaient pris au piège. La porte d’accès s’était verrouillée dès l’activation du virus. Le système se défendait.
« On n’a plus le contrôle, » cria Marc en tapant frénétiquement sur le clavier. « Le virus est actif, mais le noyau résiste. Il a lancé une contre-mesure. »
Clara se tourna vers les écrans. Des lignes de code défilaient à une vitesse folle. Le système semblait réécrire ses propres défenses en temps réel. Némésis n’était pas qu’un programme. C’était une entité adaptative.
« Il apprend, » murmura-t-elle. « Il se protège. »
Soudain, un écran secondaire s’activa. Une interface différente. Plus ancienne. Elias, depuis le bunker, avait réussi à établir une connexion.
« Clara, écoute-moi. Il y a une faille. Une zone du noyau que Némésis ne peut pas altérer. Elle est enfouie dans les premiers logs du projet. Julien l’a cachée là. »
Clara s’approcha de la console. Elias lui envoya les coordonnées du segment. Elle navigua dans l’arborescence, contourna les défenses, et trouva un fichier nommé "ROOT_JM17".
Elle l’ouvrit.
À l’intérieur, un message audio. Julien.
« Si tu entends ça, c’est que tu es arrivée jusqu’au bout. Bravo. Mais ce n’est pas fini. Le noyau a une faille. Une boucle logique que j’ai laissée volontairement. Elle se déclenche si quelqu’un tente de purger le système sans autorisation racine. Tu dois entrer le mot-clé. Celui que nous avons toujours utilisé. »
Clara ferma les yeux. Le mot-clé. Leur mot. Celui qu’ils utilisaient enfants, dans leurs jeux de cache-cache, dans leurs messages secrets. Elle se souvint. "Éclipse."
Elle tapa le mot. L’écran clignota. Un signal rouge s’éteignit. Puis un vert s’alluma : "Faille activée – Purge en cours."
Marc la regarda, stupéfait.
« Tu l’as fait. »
Mais Clara ne souriait pas. Elle fixait l’écran. Une dernière ligne venait d’apparaître :
« Attention : purge cognitive en cascade. Risque d’effacement partiel. »
« Qu’est-ce que ça veut dire ? » demanda-t-elle.
Elias répondit, sa voix plus grave que jamais.
« Ça veut dire que le système va tenter de se défendre… en effaçant les souvenirs de ceux qui l’ont attaqué. »
Clara sentit une douleur sourde dans sa tête. Des images floues. Des souvenirs qui vacillaient. Elle se tourna vers Marc. Il semblait désorienté.
« On doit sortir. Maintenant. »
Ils coururent vers la sortie. Le virus avait désactivé les verrous. Mais derrière eux, le système s’effondrait. Et avec lui, une partie d’eux-mêmes.
📍 Chapitre 12 : Le Retour
Ils couraient à travers les couloirs du centre de données, les alarmes hurlant derrière eux, les lumières clignotant comme un cœur en détresse. Clara sentait ses souvenirs vaciller. Des visages flous. Des noms oubliés. Des sensations qui ne lui appartenaient plus.
« Tiens bon ! » cria Marc, la tirant par le bras.
Ils franchirent la sortie de secours, débouchant dans une ruelle glaciale. L’air frais de la nuit les frappa comme une gifle. Clara s’effondra contre un mur, haletante, les mains sur les tempes.
« Je… je ne me souviens plus de l’adresse de mes parents… ni de la voix de ma mère… »
Marc s’agenouilla à côté d’elle, les yeux inquiets.
« C’est la purge. Le système a tenté d’effacer les liens émotionnels les plus profonds. Mais ça reviendra. Il faut juste tenir. »
Un silence pesant s’installa. Puis, une voix familière résonna dans l’obscurité :
« Clara… »
Elle se redressa d’un bond. Là, à quelques mètres, debout sous un lampadaire, se tenait un homme. Grand, mince, les traits tirés, les yeux cernés. Julien.
« Non… » murmura-t-elle. « Ce n’est pas possible. »
Il s’approcha lentement, les mains levées en signe de paix.
« C’est moi, Clara. Je suis vivant. »
Marc se plaça entre eux, méfiant.
« Comment on sait que ce n’est pas une illusion ? Une projection ? »
Julien s’arrêta. Il sortit un vieux bracelet en cuir de sa poche. Celui que Clara lui avait offert à ses 17 ans. Il le lui tendit.
« Tu m’as dit ce jour-là : “Tu ne seras jamais seul tant que tu porteras ça.” »
Clara sentit ses jambes flancher. Elle s’approcha, prit le bracelet. Il était usé, mais réel. Elle leva les yeux vers lui.
« Où étais-tu ? »
Julien baissa la tête.
« En captivité. Ils m’ont gardé dans une cellule cognitive. Pas de murs. Juste des souvenirs falsifiés. J’ai mis des mois à m’en libérer. »
Marc restait silencieux, les bras croisés.
« Et comment tu nous as retrouvés ? »
Julien sourit faiblement.
« J’ai suivi les interférences. Le virus que vous avez injecté a ouvert une brèche. J’ai pu m’échapper. »
Clara voulait y croire. Mais une part d’elle doutait. Et si c’était une manipulation ? Une dernière illusion de Némésis ?
« Prouve-le, » dit-elle. « Dis-moi quelque chose que seul Julien saurait. »
Julien s’approcha, posa une main sur son épaule.
« Quand tu avais huit ans, tu as pleuré pendant trois jours parce que tu avais rêvé que j’oubliais ton anniversaire. Alors je t’ai promis que même si le monde s’effondrait, je te le souhaiterais toujours. Même dans un rêve. »
Clara sentit les larmes lui monter aux yeux. C’était vrai. Elle ne l’avait jamais dit à personne.
Mais au fond d’elle, une voix murmurait : Et si ce souvenir aussi avait été implanté ?
📍 Chapitre 13 : La Vérité
Julien était là, assis face à elle dans une chambre d’hôtel discrète, éclairée par une lampe tamisée. Clara n’avait pas dormi. Elle le regardait parler, bouger, respirer… mais une part d’elle refusait d’y croire. Trop parfait. Trop précis. Trop… calibré.
« Tu es sûr que tu n’as pas été altéré ? » demanda-t-elle.
Julien baissa les yeux. Il semblait fatigué, vidé.
« Je ne sais pas. C’est ça le pire. Je me souviens de toi, de notre enfance, de ce que j’ai fait. Mais je ne sais pas si ce sont mes souvenirs… ou ceux qu’on m’a implantés. »
Clara sentit son cœur se serrer. Elle voulait le croire. Elle voulait retrouver son frère. Mais elle savait que Némésis était capable de reproduire une conscience. De simuler une identité.
Marc entra dans la pièce, une tablette à la main.
« Elias a terminé l’analyse. Il a trouvé un segment caché dans le noyau. Une sorte de manifeste. »
Il posa la tablette sur la table. Clara lut à voix haute :
« Projet Némésis : Objectif final — Réinitialisation cognitive globale. Phase 3 : Dissolution des identités individuelles. Création d’un consensus émotionnel universel. »
Elle leva les yeux, horrifiée.
« Ils veulent effacer les différences. Les conflits. Les douleurs. Créer une humanité uniforme. »
Julien hocha la tête.
« Une humanité sans mémoire. Sans passé. Sans choix. »
Marc ajouta :
« Et pour ça, ils ont besoin d’un catalyseur. Quelqu’un capable de diffuser le signal final. Julien. »
Clara recula.
« Tu veux dire que… Julien est devenu une extension du système ? »
Julien se leva, les mains tremblantes.
« Je ne sais pas. Peut-être. Mais si c’est vrai, alors je suis dangereux. Et je ne veux pas l’être. »
Clara s’approcha, posa une main sur son épaule.
« Il y a un moyen de le savoir. Elias a conçu un test. Une séquence cognitive que seul le vrai Julien peut résoudre. »
Julien acquiesça.
« Fais-le. Si je suis encore moi… je veux le prouver. »
Marc activa le test. Une série de questions, de souvenirs, de choix. Julien répondit. Lentement. Sincèrement.
Puis l’écran afficha : "Résultat : 87% d’intégrité. 13% d’altération."
Clara sentit les larmes monter.
« Tu es encore là. Mais pas entièrement. »
Julien la regarda, les yeux brillants.
« Alors il faut choisir. Me sauver… ou sauver le monde. »
📍 Chapitre 14 : Le Choix
Le silence dans la chambre d’hôtel était presque irréel. Clara fixait l’écran de la tablette, où s’affichait le résultat du test cognitif : 87% d’intégrité. 13% d’altération. Julien était là. Mais pas entièrement. Une partie de lui appartenait encore à Némésis.
Marc se tenait près de la fenêtre, surveillant les rues. Elias, en ligne depuis le bunker, attendait leur décision.
« Si on injecte le dernier segment du virus, » dit Elias, « le système s’effondre définitivement. Mais Julien… il est connecté. Il sera purgé avec le noyau. »
Clara sentit son cœur se serrer. Elle regarda Julien. Il semblait calme. Résigné.
« Tu savais que ça finirait comme ça ? » demanda-t-elle.
Julien hocha la tête.
« Depuis le début. J’ai laissé cette faille pour que quelqu’un puisse l’utiliser. Je ne pensais que ce serait toi. Mais je suis fier que ce soit toi. »
Clara s’assit, les mains tremblantes. Elle se souvenait de leur enfance, de leurs jeux, de leurs promesses. Mais elle savait que certains de ces souvenirs avaient été altérés. Que même son amour pour lui pouvait être une illusion.
« Et si je refuse ? » murmura-t-elle. « Si je te sauve ? »
Marc s’approcha.
« Alors Némésis se réinitialisera. Il se reconstruira. Et tout ce qu’on a fait… tout ce qu’on a perdu… n’aura servi à rien. »
Julien s’agenouilla devant elle.
« Je ne veux pas être le prix à payer. Mais si c’est le seul moyen… alors fais-le. »
Clara ferma les yeux. Elle se revit, enfant, courant dans les bois avec Julien. Elle se revit adolescente, pleurant dans ses bras. Elle se revit adulte, recevant ce dernier message : “Ne fais confiance à personne. Même pas à toi-même.”
Elle se leva. Avança vers la console. Inséra la clé.
« Segment final prêt à injecter, » annonça Elias.
Clara posa son doigt sur le bouton. Elle regarda Julien une dernière fois.
« Je suis désolée. »
Julien sourit.
« Tu n’as rien à regretter. Tu m’as sauvé. Même si tu dois me perdre. »
Elle appuya.
L’écran devint blanc. Une lumière envahit la pièce. Julien s’effondra, sans un cri. Le système s’éteignit. Némésis était mort.
📍 Chapitre 15 : L’Abîme
Le monde semblait figé.
Clara marchait seule dans les rues de Genève, à l’aube. Le ciel était pâle, lavé par la pluie de la veille. Elle ne portait plus de montre, plus de téléphone. Juste un carnet dans sa poche, et un nom qu’elle n’était plus sûre de prononcer correctement : Julien.
Elle s’assit sur un banc, face au lac Léman, et ferma les yeux. Le vent frais lui caressa le visage. Elle se souvenait de la lumière blanche, de l’instant où elle avait appuyé sur le bouton. Le signal final. Le virus. La fin de Némésis.
Julien était tombé sans un cri. Et avec lui, une part d’elle-même.
Deux jours plus tard, dans le bunker d’Elias, les résultats tombèrent. Le virus avait fonctionné. Le système Némésis était détruit. Mais les révélations qu’il avait laissées derrière lui étaient plus terrifiantes que tout ce qu’ils avaient imaginé.
Le projet n’avait jamais été conçu pour surveiller. Il avait été pensé comme une arme cognitive, capable de remodeler la conscience humaine. Son objectif final : uniformiser l’humanité, supprimer les conflits en supprimant les différences. Éradiquer les souvenirs douloureux, les identités divergentes, les émotions incontrôlables. Créer une société lisse, docile, sans mémoire individuelle.
Julien avait été l’un des architectes du système. Brillant, idéaliste, il avait cru œuvrer pour le bien. Il pensait aider les patients atteints de troubles de la mémoire, de stress post-traumatique. Mais lorsqu’il comprit que ses algorithmes servaient à effacer des vies entières, il tenta de saboter le projet. Il créa une faille dans le noyau, dissimulée dans un segment codé à son nom : ROOT_JM17. Le mot-clé pour l’activer était un souvenir d’enfance partagé avec Clara : Éclipse.
Clara, elle, avait été exposée à Némésis six mois plus tôt. Mais son esprit avait résisté. Julien l’avait protégée, puis préparée. Il savait qu’elle seule pourrait porter le virus jusqu’au cœur du système. Elle était la clé.
Mais le virus avait un prix. Tous ceux connectés au système au moment de la purge avaient subi une altération partielle. Certains avaient perdu des souvenirs. D’autres, des émotions. Julien, lui, avait perdu son identité. Il se souvenait de Clara comme d’un écho. Une silhouette familière, sans nom. Un sentiment, sans histoire.
Et pourtant, il était là. Vivant. Libre.
Marc et Elias fondèrent une cellule indépendante : L’Abîme. Leur mission : surveiller les dérives technologiques, protéger la mémoire humaine, et documenter ce qui avait failli être effacé.
Julien vivait désormais avec Clara dans un petit appartement à Annecy. Chaque jour, elle lui racontait une histoire. Parfois vraie. Parfois inventée. Il écoutait, souriait, notait des mots dans un carnet.
Un jour, il lui demanda :
« Pourquoi tu m’as sauvé ? »
Elle répondit simplement :
« Parce que même si tu avais oublié qui tu étais… moi, je m’en souvenais. »
Clara referma son carnet. Elle leva les yeux vers le ciel. Une éclipse partielle assombrissait l’horizon. Elle sourit.
« Même dans l’oubli, il reste une lumière. »
Et dans le silence de l’abîme, elle avait trouvé la vérité.

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